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Guerre, droit et espace extra-atmosphérique : des pistes pour réduire le coût humain des opérations militaires spatiales

Droit et conflits / Générer le respect du DIH / Nouvelles technologies 22 minutes de lecture

Guerre, droit et espace extra-atmosphérique : des pistes pour réduire le coût humain des opérations militaires spatiales

Environs de Rostak. Communications par satellite lors du largage de secours.

Bien que depuis longtemps, la communauté internationale souhaite explorer et utiliser l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques, les systèmes spatiaux ont été employés à des fins militaires dès le début de la conquête de l’espace. À mesure que l’importance de ces systèmes dans les opérations militaires pendant des conflits armés s’accroît, l’éventualité qu’ils soient attaqués augmente aussi, avec un risque élevé de porter atteinte aux populations et aux biens civils sur Terre et dans l’espace. En effet, la technologie rendue possible par les systèmes spatiaux affecte la plupart des aspects de la vie des populations civiles, c’est pourquoi les conséquences possibles des attaques contre les systèmes spatiaux sont préoccupantes sur le plan humanitaire.

Dans ce billet, Wen Zhou, conseillère juridique du CICR, lance une nouvelle chronique sur la guerre, le droit et l’espace extra-atmosphérique, qui met en exergue le coût humain que des opérations spatiales militaires auraient sur les civils pendant des conflits armés, en énumérant les règles en vigueur qui régissent et restreignent ces opérations en vertu du droit international – en particulier le droit international humanitaire (DIH) – et en présentant les mesures préconisées pour réduire le risque que représentent les menaces pesant sur les systèmes spatiaux pour les populations civiles.

L’application militaire de la technologie que permettent les systèmes spatiaux fait partie intégrante des opérations militaires contemporaines. Jusqu’à présent, les forces armées ont employé des systèmes spatiaux pour tout un éventail d’applications, parmi lesquelles : les systèmes satellitaires pour la navigation des avions militaires ; le ciblage de précision et les systèmes d’armes ; les satellites de télécommunication pour le commandement et le contrôle internationaux ; et des systèmes de télédétection et autres systèmes de surveillance basés dans l’espace permettant de donner l’alerte en cas d’attaques de missiles ou d’opération de surveillance et de reconnaissance.

L’espace extra-atmosphérique est de plus en plus convoité, car les grandes puissances le considèrent comme un « domaine opérationnel », mettent en place des stratégies et des commandements consacrés à la défense spatiale et prennent des mesures pour militariser davantage l’espace. De plus en plus d’États cherchent à mettre au point, tester et déployer des capacités cinétiques ou non cinétiques de « neutralisation » des moyens spatiaux. Les menaces actuelles et futures qui pèsent sur les systèmes spatiaux comprennent la guerre électronique, les cyberopérations, les opérations à énergie dirigée et l’utilisation de missiles antisatellites sur orbite lancés depuis la Terre ou d’autres capacités militaires de neutralisation des moyens spatiaux, telles que les opérations de proximité et de rendez-vous sur orbite nuisibles.

Si certains systèmes spatiaux sont exclusivement conçus à des fins militaires, nombreux sont ceux qui remplissent des fonctions à la fois civiles et militaires et sont donc à « double usage ». Cela est en partie lié à l’augmentation spectaculaire des lancements de nouveaux satellites commerciaux, plus petits et moins coûteux, au cours de ces dernières années, qui s’est traduite par un accroissement phénoménal de leurs capacités. En conséquence, la dépendance de infrastructures civiles essentielles vis-à-vis des systèmes spatiaux progresse également rapidement.

Aujourd’hui, les systèmes spatiaux, notamment la navigation par satellites et les satellites de télécommunications et de télédétection, occupent un rôle prépondérant dans le fonctionnement d’infrastructures civiles indispensables, plus particulièrement dans les secteurs de l’énergie et des communications. Ceux-ci permettent de fournir des services essentiels dont les populations civiles dépendent, tels que la production et l’offre alimentaires, l’eau, l’électricité, les soins de santé, l’assainissement et la gestion des déchets.

En outre, les services satellitaires sont mis à contribution à chaque étape des opérations humanitaires, de l’évaluation des besoins au renforcement de la résilience dans les conflits de longue durée, en passant par la distribution des secours d’urgence et la réduction des risques liés aux catastrophes. Le CICR, par exemple, a très souvent recours aux satellites de télécommunications pour assurer ses communications vocales ou sur Internet dans le cadre de ses opérations sur le terrain. Entre 10 et 15 % des structures et du personnel de terrain de l’institution s’appuient exclusivement sur les communications par satellite. La navigation par satellite est quant à elle utilisée pour les activités logistiques et offre une solution bon marché pour localiser, précisément et en temps réel, le personnel et le matériel volumineux nécessaires à l’acheminement de l’aide humanitaire. Actuellement, environ 2 600 véhicules de terrain du CICR sont munis de dispositifs de localisation par satellite. Enfin, les satellites d’observation de la Terre fournissent des renseignements et des images essentiels pour la cartographie des situations d’urgence, l’évaluation des risques et la planification et la mise en œuvre des opérations humanitaires, dans la mesure où l’imagerie qu’ils génèrent peut révéler des crises agricoles, des conséquences sur les réserves d’eau ou des destructions causées par les combats.

Un conflit armé entre des États utilisant des systèmes spatiaux pour leurs opérations militaires pourrait aussi mettre en péril des infrastructures civiles essentielles sur Terre, qui dépendent de systèmes spatiaux. Par exemple, le fait de causer des dégâts matériels ou de détruire les objets spatiaux de l’adversaire pourrait produire une grande quantité de débris dans l’espace, qui risqueraient à leur tour de détériorer ou de détruire d’autres satellites utilisés pour renforcer des activités civiles, dont certaines sont primordiales pour la sécurité. De même, une cyberopération lancée contre un système satellitaire dont dépendent des infrastructures civiles essentielles pourrait mettre hors d’état le satellite visé, de façon provisoire ou définitive, ce qui aurait des répercussions négatives de grande ampleur sur la population civile. De plus, les nombreux systèmes à double usage en orbite dans l’espace font peser une menace importante sur les activités civiles pour lesquelles ils sont utilisés, car leur fonction militaire augmente la probabilité qu’ils soient pris pour cible.

Les restrictions imposées par le droit international en vigueur sur la conduite d’opérations militaires dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci

Il convient de souligner que les opérations militaires conduites dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci, ne se déroulent pas dans un contexte de vide juridique ; elles sont réglementées et restreintes par le droit international en vigueur. Malgré la volonté longtemps affichée par la communauté internationale de s’engager dans « l’exploration et l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques » (préambule, Traité sur l’espace extra-atmosphérique), si des opérations militaires dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci, devaient néanmoins être conduites dans le cadre d’un conflit armé, le droit international applicable comprendrait la Charte des Nations Unies et les règles applicables du droit international coutumier interdisant de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, les traités relatifs à l’espace, le DIH et le droit de la neutralité.

Tel qu’énoncé par le CICR dans son document de travail intitulé « Limites imposées par le droit international à la conduite d’opérations militaires dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci, au cours de conflits armés », les règles du droit international suivantes restreignent l’utilisation d’armes et le déploiement d’opérations militaires dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci, lors de conflits armés. Ces limites portent en particulier sur les armes et les opérations qui sont conçues ou prévues pour perturber, endommager, détruire ou encore rendre inopérants les systèmes spatiaux – qu’il s’agisse de leurs composantes spatiales, terrestres ou des liaisons entre elles – dans le cadre d’attaques conduites dans l’espace extra-atmosphérique, depuis celui-ci ou depuis la Terre, que ce soit par des moyens cinétiques ou non.

En premier lieu, les règles coutumières et conventionnelles contiennent interdisent ou restreignent le choix des armes, ainsi que les moyens et méthodes de guerre susceptibles d’être déployés et/ou utilisés dans l’espace extra-atmosphérique, ou en lien avec celui-ci, y compris en situation de conflit armé :

  • Il est interdit de mettre sur orbite des objets porteurs d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, d’installer de telles armes sur des corps célestes et de placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace (article IV, par. 1, Traité sur l’espace extra-atmosphérique)
  • L’aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais d’armes de tous types et l’exécution de manœuvres militaires sont interdits sur des corps célestes. La Lune et les autres corps célestes doivent être exclusivement utilisés à des fins pacifiques (article IV, par. 2, Traité sur l’espace extra-atmosphérique)
  • Les armes qui sont de nature à frapper sans discrimination ou à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles, ainsi qu’un certain nombre d’autres types d’armes spécifiques, sont interdites. Ces interdictions ne sont pas limitées aux domaines terrestres (Règles 70-84, Étude du CICR sur le DIH coutumier)
  • L’utilisation à des fins militaires ou à toutes autres fins hostiles de techniques de modification de l’environnement − à savoir toute technique ayant pour objet de modifier, grâce à une manipulation délibérée de processus naturels, la dynamique, la composition ou la structure de la Terre ou de l’espace − ayant des effets étendus, durables ou graves, en tant que moyens de causer des destructions, des dommages ou des préjudices, est interdite (articles I et II, Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles)

Ces règles prennent toute leur importance si des États décident d’examiner, de mettre au point, d’acquérir ou d’adopter une nouvelle arme quelle qu’elle soit ou de nouveaux moyens ou méthodes de guerre destinés à être utilisés dans l’espace, ou en lien avec celui-ci – qu’il s’agisse de moyens cinétiques ou non, dans l’espace ou sur Terre. En effet, les États parties au premier Protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève sont tenus d’examiner la licéité de cette arme, ces moyens ou ces méthodes de guerre, afin de déterminer si leur emploi serait conforme au DIH et à d’autres règles applicables du droit international. Tous les États ont intérêt à le faire pour garantir que leurs forces armées sont en mesure de conduire les hostilités conformément à leurs obligations internationales (article 36, Protocole additionnel I)

Ensuite, le DIH impose des limites aux opérations militaires conduites en situation de conflit armé, y compris celles menées dans l’espace extra-atmosphérique ou dont les effets se ressentent jusque dans l’espace extra-atmosphérique.

Les règles de DIH relatives à la conduite des hostilités visent à protéger la population civile sur Terre contre les effets des opérations militaires menées dans l’espace, ou en lien avec celui-ci, pendant un conflit armé.  Ces règles concernent notamment le principe de distinction (article 48, Protocole additionnel I ; règles 1 et 7, Étude du CICR sur le DIH coutumier), l’interdiction des attaques indiscriminées et disproportionnées (article 51, Protocole additionnel I ; règles 11-14, Étude du CICR sur le DIH coutumier), ainsi que l’obligation de prendre toutes les précautions pratiquement possibles dans l’attaque (article 57, Protocole additionnel I ; règles 15-21, Étude du CICR sur le DIH coutumier).

Du point de vue du CICR, toutes ces règles s’appliquent aux opérations militaires cinétiques et non cinétiques dirigées contre des systèmes spatiaux pendant un conflit armé et, partant, limitent ces opérations, y compris celles qui rendraient ces systèmes inopérants sans les endommager physiquement.

Elles sont particulièrement pertinentes en raison du nombre croissant d’objets spatiaux à double usage placés en orbite, dans la mesure où la perturbation de leurs fonctions civiles pourrait avoir des répercussions sur des pans entiers des sociétés contemporaines. Si un satellite à double usage devenait un objectif militaire pendant un conflit armé (art. 52, par. 2, Protocole additionnel I), tous les dommages prévisibles, directs et indirects, susceptibles d’être incidemment causés aux personnes civiles et aux biens de caractère civil dans l’espace et sur Terre devraient être pris en compte pour évaluer la licéité d’une attaque. Cela signifie qu’il faudrait étudier non seulement les dommages civils prévisibles qui pourraient être incidemment causés à d’autres objets spatiaux et à des personnes, mais aussi les conséquences qu’aurait pour les populations le fait de compromettre l’utilisation civile de l’objet spatial à double usage en question. Dans la mesure du possible, il faut privilégier les moyens et les méthodes de guerre qui affectent uniquement les parties de la structure spatiale utilisées à des fins militaires et épargnent celles destinées à un usage civil, de sorte à éviter, ou du moins à limiter, les dommages civils incidemment causés par l’attaque.

De plus, le risque de créer des débris et les menaces en cascade que ceux-ci font peser sur les objets spatiaux civils doivent également être pris en considération dans l’application de ces règles. Les attaques cinétiques dirigées contre des objets spatiaux sont susceptibles de produire une quantité de débris bien plus importante que de nombreuses autres activités spatiales, ce qui pourrait entraîner des dommages ou des destructions imprévisibles parmi d’autres objets spatiaux. Toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises pour éviter et, en tout cas, réduire au minimum les dommages civils pouvant être causés incidemment, y compris en choisissant, chaque fois que la situation le permet, une solution ne produisant pas de débris lors de la planification d’une attaque contre un objectif militaire dans l’espace.

Le droit international et en particulier le DIH, accorde également une protection spéciale à certains biens et personnes dans les conflits armés. Par exemple, il est interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires, les zones agricoles, les installations et réserves d’eau potable ainsi que les ouvrages d’irrigation, y compris en conduisant des opérations militaires contre des systèmes spatiaux essentiels à la production et à l’entretien de ces biens (Règle 54, Étude du CICR sur le DIH coutumier ; article 54, Protocole additionnel I ; article 14, Protocole additionnel II). Les personnes et les biens bénéficiant d’une protection spéciale, tels que les activités médicales et le personnel et les structures sanitaires, doivent être protégés et respectés en toutes circonstances, y compris lors de la conduite d’opérations militaires contre des systèmes spatiaux nécessaires à leur protection ou à leur fonctionnement (article 12, Protocole additionnel I ; article 11, Protocole additionnel II ; Règles 25, 28 et 29, Étude du CICR sur le DIH coutumier). Parmi les autres personnes et biens spécialement protégés par le droit international figurent les astronautes (article V, Traité sur l’espace extra-atmosphérique), le personnel et les biens humanitaires, les organisations de protection civile, les biens culturels et l’environnement naturel. De plus, des précautions particulières doivent être prises concernant les ouvrages d’art et les installations contenant des forces dangereuses, tels que les barrages, les digues et les centrales nucléaires, ce qui inclut les systèmes spatiaux d’une importance vitale pour leur sécurité et leur maintenance (article 56, Protocole additionnel I ; article 15, Protocole additionnel II ; Règle 42, Étude du CICR sur le DIH coutumier).

En outre, toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises pour protéger la population civile et les biens de caractère civil contre les effets des opérations militaires menées dans l’espace, ou en lien avec celui-ci, cette obligation étant déjà applicable aux États en temps de paix (article 58, Protocole additionnel I ; Règles 22 à 24, Étude du CICR sur le DIH coutumier). Parmi les mesures qui pourraient être considérées, citons le fait de prévoir une séparation physique ou technique entre les systèmes spatiaux (ou une partie de ces derniers) qui sont utilisés à des fins militaires et ceux ayant un usage civil, ainsi que l’identification des systèmes spatiaux qui sont au service de biens qui bénéficient d’une protection spéciale, comme les hôpitaux et d’autres biens indispensables à la survie de la population civile. Si un objet spatial est exclusivement réservé à un usage civil, l’État d’immatriculation doit l’enregistrer comme tel en indiquant clairement son statut d’objet protégé en vertu du DIH (article IV, par. e), Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique).

Coopérer pour prévenir et limiter le coût humain des opérations militaires dans l’espace

Comme expliqué ci-dessus, la perturbation, l’endommagement ou la destruction de systèmes spatiaux desservant des infrastructures civiles vitales, et/ou dont dépendent des infrastructures civiles essentielles, pourraient avoir un coût humain considérable pour les populations civiles sur Terre et dans l’espace. En s’appuyant sur nos connaissances actuelles de ces conséquences, il conviendrait de formuler des recommandations visant à prévenir et à atténuer ces risques en se concentrant particulièrement, mais pas exclusivement, sur les situations de conflit armé. Ces recommandations pourront éclairer les discussions sur l’application et l’élaboration possible de lois et de politiques internationales régissant l’espace extra-atmosphérique.

Récemment, le groupe de travail à composition non limitée (OEWG) constitué par l’Assemblée générale des Nations Unies en vue de « réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable » s’est réuni à Genève de mai 2022 à septembre 2023. Un nouveau Groupe d’experts gouvernementaux, également constitué par l’Assemblée générale des Nations Unies, se réunira quant à lui en novembre 2023 autour de la question de la « prévention d’une course aux armements dans l’espace ». De plus, le Sommet de l’avenir, qui se tiendra en 2024, offrira une occasion de convenir de solutions multilatérales pour un avenir meilleur, y compris par l’élaboration de « normes, règles et principes internationaux permettant de parer aux menaces pesant sur les systèmes spatiaux et, sur cette base, entamer des négociations sur un traité de paix, de sécurité et de prévention d’une course aux armements dans l’espace » (note d’orientation n°7 publiée par le Secrétaire général des Nations Unies concernant Notre programme commun, intitulée Pour l’humanité tout entière – l’avenir de la gouvernance de l’espace extra-atmosphérique, p. 20).

Les questions relatives à la façon dont le droit international existant, notamment le DIH, devrait être interprété et appliqué s’agissant de l’espace extra-atmosphérique ont donné lieu à de très nombreux travaux et discussions dans le cadre de processus multilatéraux, à l’élaboration de politiques, doctrines et manuels militaires nationaux, ainsi qu’à des projets universitaires tels que la rédaction du Manuel de l’université McGill sur le droit international applicable aux utilisations militaires de l’espace extra-atmosphérique (McGill Manual on International Law Applicable to Military Uses of Outer Space, MILAMOS) et du Manuel de Woomera sur le droit international applicable aux activités et aux opérations militaires dans l’espace (Woomera Manual on the International Law of Military Space Activities and Operations).

De son côté, le CICR a participé et apporté son expertise à ces processus et projets, en vertu de sa mission et de son mandat humanitaires. Récemment, l’institution a formulé cinq recommandations préliminaires soulignant les mesures à respecter en tout temps pour atténuer les risques que représentent les systèmes spatiaux pour la population civile. Selon la position du CICR, les États devraient :

  • s’abstenir de conduire ou de soutenir des opérations militaires ou d’autres activités pouvant ou visant à perturber, détruire, endommager physiquement ou encore rendre inopérants des systèmes spatiaux nécessaires à la fourniture de services civils essentiels, ainsi qu’à la protection et au fonctionnement de personnes et de biens auxquels le droit international accorde une protection spéciale ;
  • dans la mesure du possible, assurer une séparation physique ou technique entre les systèmes spatiaux (notamment les satellites, les liaisons de communication et les stations au sol, ou une partie de ces derniers) utilisés à des fins militaires et ceux ayant un usage civil, notamment lorsque ces systèmes sont nécessaires à la fourniture de services civils essentiels, ainsi qu’à la protection et au fonctionnement de personnes et de biens auxquels le droit international accorde une protection spéciale ;
  • identifier, immatriculer, marquer, signaler et/ou faire connaître d’une quelconque manière les systèmes spatiaux relevant de leur juridiction ou sous leur contrôle qui ne doivent pas subir les effets des opérations militaires dans l’espace ;
  • s’abstenir de mettre au point, d’expérimenter ou d’utiliser des capacités cinétiques de neutralisation d’objets spatiaux ou de diriger d’autres opérations dangereuses contre des systèmes spatiaux qui pouvant ou visant à libérer des débris dans l’espace ; et
  • coopérer pour renforcer la résilience des services satellitaires nécessaires aux secours humanitaires et aux interventions d’urgence en période de conflit armé et dans d’autres situations d’urgence.

Les trois premières recommandations visent à assurer la protection des systèmes spatiaux nécessaires aux infrastructures civiles essentielles, ainsi qu’aux personnes et aux biens spécialement protégés. La quatrième recommandation a pour objectif d’atténuer les risques posés par les débris spatiaux et la cinquième vise à renforcer la résilience des services satellitaires indispensables aux secours humanitaires.

Plus largement, le CICR encourage vivement les États et les forces armées à prendre en compte les conséquences humanitaires de la décision de développer des capacités militaires dans l’espace quelle qu’elles soient ou de les utiliser pendant un conflit armé. Au vu du risque de causer d’importants dommages civils, les États peuvent décider de fixer des interdictions générales ou des restrictions précises concernant les armes, les hostilités ou toute opération militaire conduite dans l’espace, ou en lien avec celui-ci, pour différentes raisons et notamment en raison des conséquences humanitaires. Si de nouvelles règles juridiquement contraignantes et/ou des normes facultatives à cet égard doivent être élaborées, il conviendra de faire en sorte qu’elles soient cohérentes avec le cadre juridique existant, y compris le DIH, qu’elles s’appuient sur celui-ci et le renforce.

Dans les mois à venir, des experts juridiques, politiques et techniques contribueront à cette chronique, pour sensibiliser sur les conséquences humanitaires qu’entraînerait la perturbation d’infrastructures civiles essentielles basées dans l’espace, débattre du droit international régissant l’utilisation militaire de l’espace extra-atmosphérique et des problèmes que posent l’interprétation et l’application du droit, identifier les limites et étudier des mesures destinées à prévenir et à limiter le coût humain potentiel des opérations militaires en lien avec l’espace. Nous vous encourageons à participer activement à ces discussions et à nous faire part de vos commentaires.

 

Cet article a été initialement publié en anglais le 15 août 2023.

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